Décembre 2018/ Bulletin International / Numéro 193
Avec le mouvement des Gilets jaunes, les masses se déplacent avec une conscience de classe spontanée de la position de défense à la position d'attaque. Des dizaines de milliers de personnes descendent dans les rues et les places tous les samedis depuis le 17 novembre en France. Ils/Elles bloquent les rues, construisent des barricades, s'en prennent aux voitures de police, mettent le feu à des banques et résistent aux violences policières. Ils/Elles cherchent la liberté sous les pavés, comme en mai 1968. On a beaucoup parlé et écrit de ce mouvement. Certain.e.s tournent le nez et appellent le mouvement une réaction des petits-bourgeois, tandis que d'autres s'en éloignent au motif qu'il constitue un terreau fertile pour le front national fasciste. Ceux/Celles qui cherchent un "soulèvement stérile" peuvent trouver leurs pairs ailleurs comme chez les "activistes de salons". Quoi qu'il en soit, le mouvement est un mouvement populaire spontané et militant des Français.e.s appauvri.e.s contre les classes riches et leur État, contre le capitalisme, qui traverse une crise existentielle au stade de la mondialisation impérialiste.
La Question du Sujet Au stade de la mondialisation impérialiste, il existe une prolétarisation incomparable à l'échelle mondiale. Contrairement aux affirmations des penseurs occidentaux, selon laquelle il n'y a plus de prolétariat, celui-ci n'a pas disparu, au contraire, ses rangs se sont élargis. Dans le même temps, le processus de production a été internationalisé et la production transférée dans des pays à « bas salaires ». Le chômage est devenu une maladie chronique, les conditions de travail à temps partiel et flexibles se sont multipliées. La mondialisation impérialiste signifie pour la classe ouvrière occidentale qu'elle perd beaucoup de ses privilèges et ressemble de plus en plus à la classe ouvrière des pays dépendants, parce que la base sur laquelle la classe ouvrière, en dernière analyse, a fait des compromis avec la bourgeoisie, elle est en train de fondre, alors que le gouffre entre pauvres et riches grandit et prend de l'ampleur. La période de gain de plus-value grâce au développement technologique continu est révolue. Le capitalisme ne trouve pas d'autre source d'approvisionnement que l'exploitation du parasitisme financier et du travail. C'est la raison pour laquelle l'État capitaliste s'attaque de manière toujours plus agressive aux réalisations des travailleurs et travailleuses, devenant ainsi l'organe de représentation ouvert des monopoles. En conséquence, les ouvrier.e.s aristocrates sont à nouveau prolétarisé.e.s, les petit.e.s bourgeois.e.s aux grands rêves sont en faillite, les étudiant.e.s qui veulent passer à une classe supérieure perdent même l'espoir d'un travail simple. La classe ouvrière continue de croître, bien qu'elle soit plus éparpillée que jamais, et que les intérêts de ceux/celles qui ne sont pas encore devenu.e.s la classe ouvrière, les femmes et les étudiant.e.s qui travaillent à domicile se confondent avec les intérêts de la classe ouvrière. Les parties les plus sensibilisées de toutes ces couches opprimées, centrées sur la classe ouvrière, se réuniront comme sujets de cette nouvelle ère avec les mêmes exigences. Les gilets jaunes nous démontrent cette réalité. La Question de l'Action Avec la fragmentation du processus de production, la classe ouvrière n'a aucune raison de s'attendre à ce qu'une classe ouvrière désorganisée et dispersée puisse obtenir des droits limités en agissant dans des usines individuelles, sans parler d'arrêter les attaques générales de la bourgeoisie. Surtout dans les conditions de la mondialisation impérialiste, où les capitaux peuvent se déplacer sans entrave et déplacer la production vers des endroits plus favorables, les actions de courte durée ne sont pas efficaces. C'est pourquoi, à l'époque nouvelle, il est logique de s'engager contre la classe bourgeoise mondiale dans son ensemble ou de mettre un terme à la vie quotidienne du système dans un seul pays. Les gilets jaunes se concentrent maintenant sur l'arrêt de la vie quotidienne, ce qui leur a permis d'acquérir une nouvelle qualité. Bien que leur action, qui se limite aux samedis et au blocus des routes et des stations-service, soit encore trop insuffisante, la lutte ne fait que commencer. Notre monde d'aujourd'hui est un domaine unique dans lequel les contradictions entre le travail et le capital, l'État et les peuples peuvent s'étendre d'une étincelle dans un lieu à une conflagration et où les opprimé.e.s de notre époque sont si interconnectés comme jamais auparavant.
La Question du Leadership Ce soulèvement a terrorisé le gouvernement Macron, d'une part avec "la rupture de l'ordre quotidien" et, d'autre part, avec la qualité de n'avoir aucun leadership habituel. Ce n'est ni un mouvement syndical que l'État peut contrôler, ni une action radicale d'anarchistes que l'État peut écraser. Les gilets jaunes, cependant, ne sont unis par aucune organisation, mais par la colère contre l'appauvrissement et leur incontrôlabilité qui fait peur au gouvernement. Par conséquent, les attaques de l'État étaient d'abord contrôlées; la tactique consistait à étouffer les actions sans les enflammer. Au fur et à mesure que les actions se poursuivaient, la violence de l'État augmentait. La véritable crainte de l'État est que cette colère de masse trouve une forme organisée. Les révolté.e.s ont formé des comités décisionnels dans tout le pays qui ne sont pas encore unis en un réseau, mais qui se complètent. Bien sûr, cette chaîne de comités ne suffit pas, les attaques croissantes de l'Etat exigent des centres plus déterminés et une organisation politique réalisant un programme révolutionnaire pour le mouvement. Cela dépend du caractère révolutionnaire et de la dynamique des forces révolutionnaires, de leur compréhension de ce nouveau temps, de leur degré d'instruction et non d'enseignement et, avec cet apprentissage du mouvement, de créer une conscience et d'abattre les limites du mouvement. Au centre de cette question de leadership se trouve le besoin d'idées futures, d'une idéologie de libération. Comme elles manquent, les revendications du mouvement ne vont pas au-delà de petites améliorations au sein des ordres en place. Mais le capitalisme est dans une crise telle qu'il ne peut plus tolérer des réformes, même mineures. Les contradictions entre toutes les classes opprimées, les couches et le système capitaliste, l'Etat bourgeois deviennent de plus en plus aigus. Au fur et à mesure que les antagonismes de classe de notre ordre bourgeois actuel s'intensifient et que les classes moyennes se fondent, les penchants politiques se modifient également. Les courants politico-islamistes radicaux ou les nouveaux types de mouvements fascistes peuvent donc susciter l'intérêt des opprimé.e.s en utilisant les revendications de ceux-ci. Les mouvements et les structures fascistes de notre époque se caractérisent par une réaction conservatrice aux attaques de la mondialisation impérialiste. Les fondements de ces nouveaux courants fascistes sont les chômeur.euse.s, les travailleur.leuse.s appauvri.e.s, les propriétaires expropriés, ceux/celles qui ont perdu leurs anciens postes. L'idéologie de libération, par contre, se manifeste à travers l'organisation et la lutte. Sans intériorisation des revendications des masses, sans les organiser, sans être de leur côté et au premier rang de celles-ci, sans participer à la lutte de classe d'une manière ou d'une autre, la question du leadership ne peut être résolue. Cette question ne peut être résolue de manière représentative, mais en impliquant activement les masses dans les décisions. L'une des principales revendications du soulèvement est l'équité salariale et les droits sociaux, mais aussi la démocratie populaire, la participation des citoyens à la prise de décisions politiques par le biais de référendums, le rejet de la démocratie représentative bourgeoise.
La Crise Existentielle du Capitalisme Après la quatrième action, Macron a été contraint de négocier avec les Gilets jaunes et a annoncé une augmentation du salaire minimum de 100 €, ainsi que de nouveaux succès de la révolte, alors que le mouvement a repris confiance en lui. Cette lutte est loin d'être terminée. L'ordre social bourgeois est en crise et cette crise ne peut être résolue avec les relations de production capitalistes. Le développement social a cessé. Maintenant, la décadence, la guerre, l'appauvrissement, l'exploitation extrême, la retraite grave, le chômage chronique, la violence, la drogue, la dégénérescence mentale et culturelle déterminent notre société. Sur cette base, toutes sortes de souillures politiques fascistes se renforcent. Sans rejeter cette fondation dans son ensemble, sans la détruire, sans balayer la structure sociale bourgeoise, aucune solution sociale ne sera possible. D'autre part, le niveau de développement des forces productives est aussi mûr que jamais auparavant pour une nouvelle forme de société, le communisme. En transformant les moyens de production en propriété sociale, ces questions peuvent être résolues. Bien que l'humanité soit aussi proche du communisme qu'elle ne l'a jamais été, mentalement, elle en est aussi éloignée. Cette contradiction ne peut être résolue par le travail mental, mais par la pratique révolutionnaire, par une participation encore plus grande aux actions de masse, en apprenant des masses. Parce que seule la pratique révolutionnaire peut créer une nouvelle production mentale.
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